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Focus sur les bras synthétiques contrôles dans les essais cliniques en oncologie



Pour la 10ème édition des « Jeudi du PSCC », le Paris Saclay Cancer Cluster a réuni 3 experts du monde académique, industriel et de l’innovation en santé autour de la thématique des bras synthétiques contrôles dans les essais cliniques en oncologie.

 

Les bras contrôles externes : émulation d'essais ciblés utilisant des données réelles pour évaluer l'efficacité en oncologie – par David Pérol, Centre Léon Bérard

David Pérol rappelle que les bras de contrôle synthétiques sont nécessaires, notamment lorsque les essais cliniques sont difficiles à interpréter, comme dans le cas de sous-type de cancers avec une mutation génétique rare ciblée par une nouvelle molécule, d’études randomisées qui ne peuvent pas être réalisées dans une échelle de temps raisonnable ou dans le cas d’études cliniques à bras unique.

Dans ce dernier cas, en absence de bras contrôle, il est difficile d’évaluer le bénéfice relatif du traitement et de différencier le bénéfice observé de l’histoire naturelle de la sous-population exprimant le biomarqueur d’intérêt.

Il est ainsi possible de réaliser des analyses statistiques avec un bras contrôle externe, dont les données peuvent être issues d’essais cliniques ou de données de vie réelle. Cette approche doit être intégrée dès la préparation du plan d’analyse statistique.

David Pérol présente un cas d’étude sur une forme rare de cancer du poumon (LCNEC), représentant environ 2% des néoplasmes du poumon, avec un très mauvais pronostic (médiane de survie à 8 mois), dont la première ligne de traitement s’appuie sur des sels de platine. Un essai clinique pour évaluer l’efficacité d’un traitement combiné de thérapie d’inhibiteurs de point de contrôle et de chimiothérapie a été envisagé, avec comme critère d’efficacité primaire le taux de survie sans progression à 12 mois et comme critère secondaire le taux de survie globale. Pour réaliser une étude multicentrique, avec 30 sites, moins de 50 patients seraient disponibles en 30 mois. Une randomisation n’est donc pas faisable d’un point de vue pratique, puisqu’elle nécessiterait 164 patients avec 80% de puissance du test statistique. Un bras contrôle synthétique a donc été intégré à l’essai de phase 2 en utilisant la base de données réelles européenne (400 patients) (Pérol et al., BMJ Open, 2019 ; Griesinger et al., F Lung Cancer, 2022 ; Siu et al., JCO Precis Oncol, 2024).

L’utilisation de bras contrôles synthétiques peut avoir des inférences causales dans l’évaluation de l’effet d’un traitement, puisque la population « contrôle » n’est pas soumis à la randomisation. Plusieurs types de biais peuvent intervenir, de sélection / de temps immortel (typiquement, non alignement des dates de diagnostic / d’entrée dans la cohorte / de début de suivi pour un individu donné) ; de confusion sur facteurs mesurés ; et de confusion résiduelle. L’émulation d’un essai clinique, combinée à des techniques d’ajustement et à analyses de sensibilité, limite les biais observés (Antoine et al., J Natl cancer Inst, 2023). Des outils méthodologiques sont décrits pour mettre en place ce principe (Hernan & Robins, Am. J Epidemiol., 2016 ; Hernan, NEJM, 2021 ; Desai et al., BMJ, 2024).

Pour intégrer cette approche méthodologique de bras de contrôle synthétique, il est nécessaire d’être vigilant sur une planification précoce avant la conduite de l’essai clinique concerné, sur la grande qualité et granularité des données dans la base de données de vie réelle, et de justifier l’approche analytique choisie pour adresser les biais, notamment les analyses de sensibilité.

 

Les bras contrôles synthétiques basés sur du modelage mécanistique – par Emmanuel Pham, NovaDiscovery

Emmanuel Pham poursuit la conférence en présentant les outils pour la constitution des bras contrôles, avec notamment la création de jumeaux numériques, qui pourront être inclus dans les essais cliniques. La modélisation de populations virtuelles permet de réduire le nombre de patients et de répondre aux préoccupations éthiques. En combinant la modélisation sur les médicaments, la maladie et la population virtuelle, il est ainsi possible d’obtenir une simulation des résultats permettant d’ajuster les critères d’analyse cibles. Chaque modèle (médicament et maladie) est représenté par un jeu d’équations mathématiques. Pour chaque patient, on génère un jumeau numérique avec le plus de données possibles pour être le plus « conforme » au patient. Dès que la population virtuelle est constituée, il est possible d’appliquer différents scénarios (doses de traitement…). Cette approche a montré son effet dans la prédiction prospective de 2 études cliniques de phase 3, publiées en septembre 2023 à la conférence mondiale sur le cancer du poumon (WCLC, FLAURA2) et en novembre 2023 au congrès de la société européenne d’oncologie médicale (ESMO, MARIPOSA). Les résultats de la simulation avaient été communiqués respectivement 3 jours (Pr. Duruisseaux) et 1 semaine (Janssen) avant la conférence.

Afin d’être précis sur la création des jumeaux numériques, 2 types de descripteurs     sont nécessaires, à savoir les descripteurs mesurables (âge, poids, stade du cancer…) et les données non observables (vitesse de la division cellulaire, paramètres intra-cellulaires). Ces patients digitaux peuvent être utilisés à des étapes précoces de développement (de la phase 1 à la phase 2) permettant une meilleure précision dans la prédiction des effets secondaires, des meilleurs répondeurs. Dans les étapes de confirmation, cette approche aide à améliorer les conceptions des protocoles, d’avoir plus de bras contrôles, etc. Dans le cas de combinaisons de traitements, les bras synthétiques permettent d’analyser la contribution de chaque molécule « individuellement », ce que les agences réglementaires apprécient de plus en plus.

Il y a de plus en plus d’interactions sur ce sujet des bras synthétiques avec différents acteurs de l’écosystème comme la FDA, l’EMA, l’HAS… ce qui devrait permettre une optimisation/généralisation de cette approche.

 

Réflexion sur les nouvelles approches méthodologiques en recherche clinique – par Camille Schurtz, Agence de l’Innovation en Santé

Camille Schurtz intervient au nom de l’Agence de l’Innovation en Santé (AIS), agence sous l’autorité du ministère afin d’améliorer les process en santé.

Le travail de l’AIS s’articule autour de 3 piliers principaux : anticiper/accélérer, investissement, support/stimuler. Dans l’axe Anticiper/Accélérer, la priorité de l’AIS est de renforcer l’attractivité de la recherche clinique française, à la fois en accélérant les processus d’autorisation / mise en place, en s’appuyant sur la décentralisation permettant de renforcer les inclusions dans les essais cliniques mais également en favorisant l’usage des nouvelles méthodologies de recherche. L’AIS travaille avec le réseau F.CRIN (infrastructure de recherche clinique française) afin de s’appuyer sur leur expertise en recherche clinique et leur lien avec les plateformes digitales. L’AIS a ainsi mis en place un groupe de travail réunissant plus de 30 experts (sociétés médicales, MedTech, représentants des agences de santé, méthodologistes…) ayant pour objectif de démontrer le bénéfice et la valeur ajoutée de cette nouvelle approche. Le plan de travail de ce groupe est séquencé : (1) ce qui est nouveau, (2) ce qui est accepté par les agences réglementaires, (3) établissement de recommandation pour l’utilisation de ces nouvelles méthodologies, et (4) implémentation avec des cas d’usages.

Afin de récolter les informations sur la nouveauté, une analyse de la littérature, a été réalisée permettant ainsi de sélectionner 5 domaines : essais adaptatifs, master protocoles, bras externes, bayésien, simulation. L’appropriation des nouvelles méthodologies d’essais cliniques à la fois par les promoteurs d’essais cliniques et à fortiori par les autorités de régulation et d’évaluation reste faible, cantonnée à la marge, mobilisées précocement dans les développements ou conditionnées par des circonstances particulières dont par exemple la survenue récente de la pandémie du COVID. Les trois agences sur lesquelles se fonde l’étude de jurisprudence réalisée ont des missions et des positionnements non superposables. Si toutes les trois évaluent le bénéfice/risque des produits de santé qui leur sont soumis, la HAS contextualise son évaluation en comparant ces produits de santé avec l’arsenal et la stratégie thérapeutique existante et disponible (bénéfice / risque dit relatif). Pour les recommandations, il est nécessaire de tenir compte des 2 typologies de bras contrôles externes constitués soit à partir de patients virtuels (intelligence artificielle, essais in silico), soit des données de vie réelle. Dans le cadre des cas d’étude, l’AIS monte un appel à projet qui sera ouvert dans les prochaines semaines afin d’obtenir une évaluation concrète de l’impact et de la valeur de cette méthodologie d’essai clinique.

 

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David PEROL, Centre Léon Berard

Directeur du département de recherche clinique du Centre Léon Bérard à Lyon. Il est également président du comité scientifique "ESME" (programme de stratégie épidémiologique et d'économie médicale) d'UNICANCER, et actuel président de la Commission nationale de la recherche impliquant des sujets humains (CNRIPH).  Il présentera une vue d'ensemble des défis posés par les essais cliniques utilisant des bras virtuels et ses travaux dans ce domaine.

 

Emmanuel PHAM, NovaDiscovery

Senior Vice-Président Science & Customer Experience Europe chez NovaDiscovery. Il possède une solide expérience dans la gestion des statistiques et des données pour la R&D et les affaires médicales. Il s'intéresse également aux approches "In Silico" pour améliorer le développement des essais cliniques. Il parlera de l'avenir de la conception des essais cliniques en utilisant leur plateforme de simulation d'essais cliniques pour prédire l'efficacité des médicaments et optimiser le développement des essais cliniques.

 

Camille SCHURTZ, Agence de l’Innovation en Santé

Titulaire d'un doctorat en pharmacologie. Après avoir travaillé 10 ans à l'ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé), elle a rejoint l'A.I.S (Agence de l'Innovation en Santé) en tant que responsable des processus réglementaires et de l'accès au marché. Elle parlera des essais cliniques et plus particulièrement des essais utilisant des bras de contrôle synthétiques.



Découvrez les slides des présentations des intervenants:


David Perol External-Control-Arm-PSCC-03-2024
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E. PHAM 2024-03-07 PSCC-pdf
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Camille Schurtz AIS - FCRIN - PSCC
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