Compte rendu et replay du Jeudi du PSCC #16
- Voisin Céline
- 29 mai
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 4 jours
Pour la 16ème édition des « Jeudi du PSCC », le Paris-Saclay Cancer Cluster a réuni dans ses nouveaux locaux à Campus Grand Parc (Villejuif) un expert du monde académique, un expert du monde industriel et un investisseur autour de la thématique de la radiothérapie.
Voir le replay (lire compte rendu dessous):
Enjeux et opportunités en oncologie radiothérapie, Professeur Eric Deutsch, Gustave Roussy
Le Professeur Éric Deutsch a débuté sa présentation en soulignant le rôle essentiel de la radiothérapie dans la prise en charge du cancer. Aujourd’hui, elle représente la deuxième prise en charge majeure à la guérison définitive des cancers, juste après la chirurgie. Bien que cette approche thérapeutique soit ancienne, son importance ne cesse de croître, portée par des avancées considérables dans des domaines variés tels que l’imagerie médicale, la puissance de calcul, la physique et la biologie moléculaire.
Le parcours du patient commence généralement par un scanner de planification, permettant de visualiser la tumeur et les tissus environnants. À partir de cette image, les équipes médicales définissent les volumes cibles et organisent la géométrie des faisceaux de rayonnement afin de délivrer une dose maximale à la tumeur tout en protégeant les tissus sains. Grâce aux progrès techniques récents, la précision des traitements s’est nettement améliorée, permettant de réduire les marges de sécurité et d’optimiser les doses administrées.
Le Pr Deutsch est revenu sur plusieurs avancées technologiques majeures ayant transformé la radiothérapie. Il a évoqué l’apparition des collimateurs multi-lames, où chaque lame est motorisée de façon indépendante, permettant de sculpter le faisceau pour épouser précisément la forme de la tumeur. Les traitements classiques en quatre champs ont été en grande partie remplacés par la radiothérapie conformationnelle par modulation d’intensité en rotation (RCMI), qui fait tourner le faisceau autour de la tumeur pour une distribution plus homogène de la dose, avec une meilleure protection des tissus sains. L’imagerie guidée (IGRT) est également un tournant important, permettant d’obtenir des images 3D en temps réel pendant la séance pour accroître la précision. Il a également mentionné la technologie ZAP-X, qui sera bientôt installée à Gustave Roussy : cette machine permet d’émettre un faisceau en spirale autour de la tête du patient, idéale pour le traitement de très petites tumeurs cérébrales.
Cependant, des défis persistent. L’un des plus importants concerne la réduction des effets secondaires, notamment chez les patients ayant déjà reçu une chimiothérapie, dont certains effets sont durables. Pour répondre à cette problématique, des travaux sont en cours autour de la radiothérapie FLASH, qui délivre les rayons à des taux de dose ultra-élevés. À ce titre, Gustave Roussy collabore avec l’entreprise française THERYQ, qui développe deux machines : l’une pour les tumeurs superficielles, l’autre pour les tumeurs profondes.
Parmi les axes d’innovation, le Pr Deutsch a évoqué l’intégration de l’intelligence artificielle pour fluidifier le parcours de soin. Une IRM dédiée aux tumeurs cérébrales est en cours d’installation afin de permettre une planification automatique par IA, rendant possible un diagnostic et un traitement le même jour. Il a aussi mentionné la radiothérapie de contact, qui pourrait éviter des chirurgies mutilantes comme l’amputation du sphincter dans le cancer du rectum. Combinée à un traitement conventionnel, cette approche permettrait d’éviter certaines interventions radicales.
Malgré ces avancées, le coût des équipements demeure un frein majeur. Une installation de protonthérapie peut coûter entre 35 et 50 millions d’euros, sans compter l’infrastructure associée, comme le gantry (structure tournante autour du patient), dont le coût s’élève à 12 à 15 millions d’euros et le poids à plus de 12 tonnes. Toutefois, une entreprise britannique implantée à Lyon développe actuellement des technologies permettant de réduire les coûts et d’améliorer l’accessibilité à ces traitements.
Le Pr Deutsch a ensuite présenté les ions lourds (protons, carbone, hélium) comme une solution prometteuse pour les tumeurs résistantes. Contrairement aux rayons X classiques, les ions lourds provoquent des lésions cellulaires complexes et très localisées, augmentant significativement l’efficacité du traitement. Un autre axe de recherche porteur est la planification adaptative par IRM combinée aux nanothérapies. Ces nanoparticules peuvent jouer un double rôle : améliorer la visualisation tumorale (grâce à leur effet de contraste) et radiosensibiliser les cellules cancéreuses (en augmentant l’absorption énergétique). Cela permet d’améliorer à la fois le diagnostic et l’efficacité du traitement.
L’intelligence artificielle occupe une place de plus en plus importante dans la radiothérapie moderne. Elle permet d’automatiser les étapes, d’optimiser les traitements et de réduire la charge de travail des équipes médicales. Néanmoins, pour être intégrées à grande échelle, ces innovations doivent être validées dans des essais prospectifs, notamment au sein de l’Union européenne, et prouver leur rentabilité.
Pour conclure, le Pr Deutsch a présenté le projet LySAIRI, un programme de recherche ambitieux regroupant plusieurs axes d’innovation : imagerie numérique avancée, personnalisation du dosage en lien avec l’immunité, amélioration des systèmes de délivrance, et radio-immunothérapie. L’objectif est de rassembler toutes ces approches dans un essai clinique prospectif unique. Comme il l’a rappelé, l’innovation en radiothérapie ne vise pas uniquement de meilleurs taux de guérison, mais aussi une amélioration de l’efficacité des soins, sans compromettre leur qualité.
Le fond d’investissement Cathay Capital, Wenwen He, investisseur Life Sciences
Wenwen He, investisseur en sciences de la vie chez Cathay Capital, a apporté une perspective complémentaire sur les opportunités et défis du financement de l’innovation, notamment en radiothérapie.
Cathay Capital, fonds d’investissement de 5 milliards d’euros, a été fondé comme un fonds de private equity, puis a développé un fonds VC technologique en 2014. L’équipe TechBio est hautement expérimentée et qualifiée. Elle est dédiée aux innovations à l’intersection de la santé et de la technologie. Le fonds intervient dans les domaines des medtechs diagnostiques et interventionnelles (ex : Moon Surgical), et investit de la série A à C, avec des premiers tickets allant de 1 à 15 millions d’euros.
Wenwen He a souligné plusieurs éléments clés pour séduire les investisseurs :
Une équipe solide, avec une expérience démontrée en santé et un conseil scientifique reconnu,
Un récit structuré et convaincant : quel est l’état de l’art, quel est le problème, quelle est l’ampleur du marché, et quels sont les obstacles à franchir.
Cependant, le secteur de la santé traverse une période d’incertitude : retrait des fonds généralistes, recentrage des fonds crossover sur les actions cotées, baisse des levées en sciences de la vie à 12 milliards d’euros (plus bas niveau depuis 2019), raréfaction des IPO et ralentissement des M&A. Les investisseurs exigent aujourd’hui une stratégie claire de sortie.
------------------
Pr Eric DEUTSCH, Gustave Roussy
Professeur de radio-oncologie et vice-doyen pour la recherche à l'Université Paris-Saclay, affiliée à l'Institut Gustave Roussy. Il dirige plusieurs essais cliniques novateurs axés sur la radiothérapie combinée à l'immunothérapie. M. Deutsch dirige un laboratoire de recherche préclinique qui étudie la radiobiologie, l'immunothérapie, les biomarqueurs et la radiomique. Il est notamment impliqué dans l'application de la recherche à la pratique clinique par le biais de projets tels que le RHU LYSAIRI. Récipiendaire de nombreux prix, dont le prix Claudius Regaud, M. Deutsch contribue activement à l'élaboration de lignes directrices et de normes internationales en matière d'oncologie. Il a également fondé la conférence internationale Immunorad consacrée aux interactions entre l'immunothérapie et la radiothérapie.
Wenwen He, Cathay Capital
Pharmacologue de formation complétée par un MBA de l’INSEAD. Expériences dans l'industrie pharmaceutique et comme investisseur en capital-risque, il a dirigé des lancements de médicaments d'une valeur d'un milliard de dollars, repensé des stratégies GTM pour des start-ups de technologies de la santé basées sur l'IA.